Jean Zizioulas : profil de théologien
ZIZIOULAS, Jean
(métropolite de Pergame), né à Kozani (Grèce) en 1931; études théologiques à Thessalonique
et Athènes (1950-54); à Bossey (Suisse). Etudes et recherches doctorales aux
Etats-Unis (Harvard et Dumbarton Oaks Institute); docteur en théologie de
l'Université d'Athènes (1966). Enseignement
universitaire de la théologie
patristique (Edimbourg, 1970-1973); de la théologie systématique en Ecosse
(Glasgow, 1973-1987) et de la théologie
dogmatique en Grèce (Thessalonique, depuis 1984). Professeur invité à plusieurs
universités et notamment à l'Université Grégorienne de Rome, à l'Université de
Genève et à l'Université de Londres (King's College). Docteur en théologie honoris causa de l'Institut Catholique
de Paris et de l'Université de Belgrade. Ordonné évêque dans l'Eglise Orthodoxe
de Constantinople (1986). Participations aux principaux congrès œcuméniques. Il
a été membre du Secrétariat 'Foi et
Constitution' du Conseil Œcuménique
des Eglises; déjà membre de la commission mixte du dialogue catholique
romaine—orthodoxe et président de la commission mixte orthodoxe-anglican.
L'être ecclésial, Genève 1981,
résume six études de l'auteur; son œuvre est structurée à l'aide des catégories
de communion, personne et liberté. Elle se meut, dans la perspective de la
radicalité apocalyptique du Mystérion
du dernier Adam, Jésus-Christ. C'est ce type d'herméneutique et de méthodologie
en théologie qui constitue l'apport le plus original de l'auteur. Les études
ici présentes constituent des aspects complémentaires de cette même réalité
d'ensemble exprimée dans l'étude Vérité
et communion particulièrement
éclairée par Du personnage à la personne (étude n° 1) et par La continuité avec les origines apostoliques ... (étude n° 4).
L'auteur dans l'ensemble de son œuvre cherche à dégager la vision ontologique
contenue dans la théologie kérygmatique des pères de l'Eglise (notamment
grecs) comme actualisation existentielle pour l'homme d'aujourd'hui, dans une
démarche d'auto-interprétation du Mystérion.
A ce propos l'être de l'homme (et du créé en général) est référé à l'être de
Dieu dans le cadre d'une vision apocalyptique de la Création en Christ. L'être
qui dit la vie et la vérité au sens ontologique le plus fort se dévoile à
nous par la catégorie de l'eikôn
(eschatologique et dialectique) = l'hypostase éternelle du Christ incarné
('personnalité corporative') car, selon l'auteur, c'est la christologie qui
constitue le seul point de départ d'une intelligence chrétienne de la vérité.
Cette dialectique de l'icône (hypostatique-eschatologique) brise à son avis le
monisme ontologique de la philosophie qui relie l'être de Dieu et la création
(même comme abîme mystique); ainsi l'être est ontologiquement référé en dehors
de lui-même (comme communion extatique et eschatologique). Dans l'expérience
liturgique (anaphora-eucharistia) de l'Eglise, l'être est expérimenté comme
vie en communion (koinônia) et comme
icône de l'eschaton. Mais cette communion
n'existe pas par elle-même telle qu'une structure existentielle ou
anthropologique; c'est le Père de Jésus le Christ qui en est la cause (aitios) précisément comme
le Christ est l'image (eikôn) de Son
Père. La communion se réfère donc à la personne et à sa liberté (hypostase et
extase simultanément, catégorie comme
telle eschatologique ou plutôt apocalyptique). Le Dieu incréé doit son existence
au Père (à une personne concrète et libre qui hypostasie Sa liberté comme
amour). Si Dieu n'existe pas parce qu'Il ne peut qu'exister mais parce qu’il
‘veut trinitairement’ son existence, de même le créé doit son existence au
Fils éternel (à la liberté comme amour du Christ, dernier Adam eschatologique).
Ainsi l'être est eschatologiquement donné ou si l'on veut le Christ eschatologique constitue le protologique de l'être du créé,
son ontologie, sa vie. La liberté comme amour de l'hypostase-personne
(apocalyptique) en communion constitue le fondement ontologique et libre et
de Dieu (par le Père) et du créé (dans le Christ, comme dialectique de l'incréé
et du créé, de l'histoire et des eschaton).
Dans cette vision qui s'inspire particulièrement de Maxime le Confesseur le
temps et l'histoire acquièrent leur réalité comme icônes apocalyptiques
(manifestation qui renvoie à l'eschata). L'être de la Création est un événement
eschatologique.
Du point de vue
systématique les intuitions de J. Zizioulas se meuvent dans le cadre d'une
catholicité œcuménique de l'Eglise aussi bien de l'Orient que de l'Occident.
Son apport principal consiste en l'articulation entre création et eschatologie
d'un côté et entre la christologie située au sein de la théologie trinitaire et
conditionnée par l'ecclésiologie de l'autre côté; ceci à travers une vision
—apocalyptique et désindividualisée— du Christ. Cette vision d'une ontologie
ouverte, extatique et eschatologique, libre de la gnoséologie, peut permettre
de se frayer un chemin entre l'approche onto-théo-logique, d'une part, et
phénoménologique de l'autre. L'être s'y révèle réellement comme don et icône
(eschatologique) dans la distance. Ce ressaisissement d'une méthodologie
théologique réellement pertinente du point de vue épistémologique permet de
recentrer la théologie sur son objet: la réalité comme don eschatologique
dans le mystère de Dieu en Christ.
K.
Agoras
Bibliographie: L'Eucharistie, l'Évêque et l'Eglise durant les trois premiers siècles, Desclée de Brouwer, Paris 1994; L'être ecclésial, Genève, Labor et Fides, 1981; Being as Communion, Crestwood N.Y., St.
Vladimir's Seminary Press, 1985; Communion
and Otherness (ed.by P. McPartlan), London, T&T Clark, 2006; Lectures
in Christian Dogmatics (ed. by D. H. Knight), London, T&T Clark,
2008 ; "The Development of Conciliar Structures to the Time of the
First Ecumenical Council" dans Councils
and the Ecumenical Movement, Genève, C.O.E, 1968, p 34-51;
"Priesteramt und Priesterweihe im Licht der östlich-orthodoxen Theologie"
dans Der priesterliche Dienst - V. Amt
und Ordination in ôkumenischer Sicht,
Freiburg-Basel-Wien, Herder, 1973, p 72-113; "Human Capacity and Human Incapacity: A
Theological Exploration of Personhood" dans Scottish Journal of Theology 28 (1975), p 401-447; "Hellénisme
et christianisme - la rencontre de deux mondes" dans Histoire de la nation hellénique, vol. VI, Athènes, Editions athéniennes,
1977, p 519-559 (en grec); "Christologie, pneumatologie et institutions
ecclésiales. Un point de vue orthodoxe" dans Les Eglises après Vatican II, Paris, Beauchesne, 1981, p. 131-148;
"Implications ecclésiologiques de deux types de pneumatologie" dans Mélanges J.-J. von Allmen "Communio
Sanctorum", Genève, Labor et Fides, 1982, p 141-154; "Christologie
et existence. La dialectique créé-incréé et le dogme de Chalcédoine" dans Contacts 36 (1984) n°126, p 154-172 et
37 (1985) n°129, p 60-72; "The Teaching of the 2nd Ecumenical Council on
the Holy Spirit in Historical and Ecumenical Perspective" dans Credo in Spiritum Sanctum, vol. I,
Rome, ed. Vaticana, 1983, p 29-54; "Preserving God's Creation-Three
Lectures on Theology and Ecology", dans King's Theological Review, 1989/1 p 1-5; 1989/2, p 41-45; 1990/1 p
1-5. Sur l'auteur: G.
BAILLARGEON, Perspectives orthodoxes sur
l'Eglise-Communion, Montréal-Paris, éd. Paulines & Médiaspaul, 1989 ;
K. AGORAS, Personne et LIberté ou ‘être
comme communion’ dans l’œuvre de J. Zizioulas, Paris, Université Paris
IV-Sorbonne & Institut Catholique de Paris (thèse non publiée), 1992 ;
P. McPARTLAN, The Eucharist Makes the
Church – Henri de Lubac and John Zizioulas in Dialogue, Edinburgh, T&T
Clark, 1993; A. PAPANIKOLAOU, Being with
God – Trinity, Apophaticism and Divine-Human Communion, Notre Dame, Indiana
2006.
Renvoi : L'univers
philosophique, vol 1, "Théo-logique", "Onto-logique"
[1] Profil d’auteur préparé à la fin des années ‘80 pour l’encyclopédie
philosophique universelle « L’univers philosophique », tome 3 (les
« œuvres philosophiques »), paru en 1992 aux Presses Universitaires
de France, non publié. La bibliographie a été postérieurement mise-à-jour.