De l’irréductibilité d’une ‘vision ecclésiale’ à l’ecclésiologie



De l’irréductibilité d’une ‘vision ecclésiale’ à l’ecclésiologie :
Samedi 12 Janvier 1991      16:56
Réflexions herméneutiques et systématiques sur l’idée
de communion chez Jean Zizioulas
Dr Konstaninos Agoras
 
Parmi les études innombrables consacrées à la pensée de Jean Zizioulas l’œuvre du Père G. Baillargeon[1] a le mérite d’offrir une toute première synthèse de la pensée du métropolite de Pergame, l’un des hérauts de la théologie de l'Eglise indivise aujourd’hui, l’ "un des théologiens les plus originaux et les plus profonds de notre époque" selon le père Y. Congar. On ne pourrait que se réjouir de la publication de son travail magistral consacré à l’œuvre du métropolite. L’ouvrage offre au lecteur une vision originale de la catholicité ecclésiale selon la percep­tion de J. Zizioulas et il constitue "un instrument utile à la reconstitution de l'histoire mo­derne de la théologie orthodoxe"[2].
Notre intention n’est pas de faire une recension détaillée ou l'éloge de ce travail, pré­senté comme thèse doctorale à Université de Paris iv et à Institut Catholique de Paris, en 1987. Zizioulas exprime lui-même son apprécia­tion[3], qui suit à celle de J.M. Tillard[4]. Ayant person­nellement un intérêt particulier pour la théologie orthodoxe moderne et pour l'œuvre du métro­polite de Pergame en particulier, nous nous permettons d'exprimer ici quelques questions  herméneutiques que nous nous sommes posées à la lecture de ce livre, dans l’espoir qu’elles pourront aider à un approfondissement ultérieur de la pensée de Zizioulas. Nombre de nos affirmations se­ront peut-être partagées par le Père Baillargeon lui-même, d'autant plus que nos réserves portent non sur le contenu même de son travail, mais sur une perspective théologique à la­quelle il fait écho, et sur laquelle nous nous interrogeons nous-mêmes.
Les réserves que nous pourrions exprimer ici ne mettent pas en cause la valeur de la recherche de Baillargeon; nous nous situons à un autre point de vue sur le plan méthodolo­gique et par conséquent systématique. Notre approche sera donc différente, et malheureu­sement trop allusive. Les ques­tions que nous allons soulever exigeraient de longs dévelop­pements, qui ne trouveraient pas place ici. Que le lecteur et surtout le Père Baillargeon veuillent bien ne pas nous tenir rigueur! Les questions de la métho­dologie et de l'hermé­neutique en théologie ‘chrétienne’ en tant qu’ ‘ecclésiale’ (au sens mystérique et non simplement con­fessionnel du terme) demeureront au centre de notre attention. Elles seront mises en rapport, par la suite, avec l'inscription de Zizioulas au sein de la théologie, orthodoxe du 20ème siècle. Ceci nous obligera à élargir un peu la perspective au-delà de ce livre.
Un des mérites de cette étude, et non des moindres, est de nous avoir offert une lec­ture de la pensée du métropolite sous l'angle de l'ecclésiologie; une lecture structurée de fa­çon cohérente comme 'ecclésiologie eucharistique'. Il faut bien le reconnaitre: le travail de Zizioulas est éparpillé dans des articles qui sont d'accès parfois difficile. Il s'agit pourtant d'une œuvre "impressionnante par sa cohérence autour de l'idée de communion"[5]. Il a fallu au père Baillargeon faire un travail de regroupement, d'articulation, de synthèse, et par con­séquent, d’interprétation  pour la restituer à son univers, en dégagent son sens. C'est sur ce niveau que nous nous interrogerons d'abord: sur l'œuvre du métropolite, en tant qu' 'univers' et 'sens' et sur la pertinence d'une lecture comme effort constant de fidélité aux textes; fidé­lité à leur ‘sens’ et à l' ‘intention’ de leur auteur. De plus, c'est au sujet de l'interprétation de l’œuvre que certains malentendus, nous semble-t-il, ont eu lieu autour de la pensée de Zi­zioulas (ou mieux, des certaines parmi les thèses du métropolite de Pergame). Ces lectures (et par conséquent ces malentendus), nous le disons d'emblée, sont précieuses (voire même incontournables); ils stimulent en permanence notre questionnement et notre effort pour dé­gager le 'sens' de l’œuvre. Finalement nous nous permettrons d’exprimer ici non propres apories con­cernant la ‘structure’ de l’œuvre.
 
1. - La 'communion' comme  herméneutique et 'sens'
 
Le Père Baillargeon présente sa méthodologie en même temps que la structure de son tra­vail en précisant que Zizioulas est un théologien de l'Eglise dont la pensée est loin d'être close[6]. Il envisage cette pensée comme une ecclésiologie eucharistique[7], proche à celle d'Afanas­sieff. Bref, il y voit une "vision théologique de l'Eglise" comme "ecclésiologie de commu­nion"[8]. Dans la première partie de son travail (chapitres 1-4) il étudie respectivement l'ecclé­siologie de Zizioulas (chap.1-3) et ses implications anthropologiques (chap.4); puis, en se­conde partie (chap.5-7), il aborde la méthodologie de cette pensée ecclésiale du métropolite (chap.5) dans ses perspectives orthodoxes (chap.6) et œcuméniques (chap.7)[9].
(1) On ne peut pas s'empêcher de relever dès l’abord que Baillargeon aborde la vision théolo­gique de notre auteur sous l'angle de l'ecclésiologie à travers une équivalence suppo­sée, nous semble-t-il entre "vision ecclésiale" et "vision ecclésiologique" c’est-à-dire entre ‘mystère’ de la Réalité (incréée et créée = Dieu, homme, monde) et ecclésiologie. Or ceci nous paraît être la source d’une ambiguïté fon­damentale. L'œuvre du métropolite de Pergame, décidément «triadocentrique», c’est-à-dire centrée sur la Sainte Trinité, ne se li­mite pas à une théologie sur l’Eglise ('une ecclésiologie'), si ample soit-elle. Car ce qui est en jeu ici c’est le rapport entre ‘triadologie’ et ‘ecclésiologie’. Son œuvre, telle que nous la lisons du moins, constitue peut-être, ou veut constituer une vision ecclésiale de l'ensemble de la Réalité comme telle, incréée aussi bien que créé, aussi bien en Dieu que dans la créa­tion. Bref une relecture ecclésiale de la Réalité, dans une in­terprétation qui est la sienne (l'être comme communion). Ceci constitue, à notre avis, tout l’intérêt de cette tentative[10].
Une vision ‘ecclésiale’ sur l'Eglise en particulier — ce n'est pas là un pléonasme — constitue une ‘ecclé­siologie’; Baillargeon y consacre son étude. Ce qui nous semble pourtant discutable, c'est l'équi­valence posée (ou supposée par Baillargeon) entre vision ecclésiale (de la Réalité) et ecclésiologie (de l’Eglise); ce qui donne à penser que ces deux expressions seraient interchangeables chez Zizioulas. Cette distinc­tion entre ‘ecclésial’ et ‘ecclésiolo­gique’, que nous croyons pertinente dans l'optique de l'œuvre et de son auteur, nous ramène à la distinc­tion-articulation entre le ’Mystère’ (de Dieu communionnel en lui-même) et celui de l'Eglise (communionelle en elle-même, mais à partir de Dieu)[11]. L'hypothèse mé­thodologique de Baillargeon quant à une équivalence entre 'ecclésial' et 'ecclésiologique' dans l'œuvre du métropolite, semble, à nos yeux, conduire sinon à la réduction de l' ‘ecclé­sial’ (du mystère de Dieu reflété dans l’Eglise) à l'’ecclésiologique’, du moins à une inver­sion de l'optique herméneutique de Zizioulas qui devrait aller, nous semble-t-il, de l’ ‘ecclé­sial’ à l’ ‘ecclésiologique’, en mouvement de ‘katabase’ (descente) d’abord et ‘anabase’ (monté) par la suite, sans réduction du premier à l’autre. Nous parlons ici de l’articulation entre ‘Théologie’ (le Dieu communionnel) et ‘Economie’ (l’Eglise communionnelle) ; et ce lors de la ‘Liturgie’, d’après Zizioulas[12]. Ce processus touche notamment à la notion de commu­nion, qui est pour Zizioulas une notion clé, strictement ‘Théologique en son origine, renvoyant aux ‘topics’ tels que per­sonne  et liberté (également ‘Théologiques’)[13].
(2) Il faut bien le préciser: l' "idée de communion"  dont parle le métropolite n'est pas réduc­tible à celle relevant d’une ecclésiologie eucharistique sans plus ("Eucharis­tie=Eglise")[14]; précisément parce que la "vision ecclésiale" n’est pas réductible non plus à l'"ecclésiologie" (à la vision ecclésiologique) dans la perspective di Zizioulas. Et ceci nous parait d'une importance capitale aussi bien pour l'ecclésiologie (dans le cadre de la théologie de Ziziou­las) que pour l'œcuménisme (et la théologie chrétienne, tout court).
Pour être plus explicite: Zizioulas parle de "l'idée de communion"  comme de l'axe de sa pensée et de sa vision ecclésiale de la Réalité : pour l’incréé en lui-même, l’être comme communion  ('Being as Commu­nion'); pour le créé l’être comme "communion par participation" à celle de Dieu; communion-participa­tion à ce Dieu qui est communion sans participation en Lui-même[15]. Il s’agit donc d'une catégorie ontolo­gique stric­tement incréée et apocalyptique, bref ‘Théologique’[16]. Cette idée de commu­nion chez Zizioulas répond —nous semble-t-il— à la question de l'être (incréé) comme Vie (au départ), et par là à la question de l'être créé comme vie (dans son articulation, son ouverture et sa communion à la Vie de l'Incréé)[17]. Ainsi Zizioulas, à l'aide de cette dialectique prosopocentrique de communion entre être incréé et être créé, cherche à articuler nous semble-t-il —en les préservant— aussi bien la Liberté de Dieu (à partir de celle du Père) que la liberté de la Création  (à partir de celle du Christ).
Bien entendu, cette notion de communion dans l'œuvre de Zizioulas s'applique à tous les niveaux de la théologie: en ‘triadologie’ (fondement), en ‘ktisiologie’ (théologie de la création)[18], en ‘christologie’ (celle-ci conditionnée constitutivement par la pneumatologie), en ‘ecclésiologie’ dans son rap­port (sacramentel et iconique) avec cette  christologie apo­calyptique[19]. De là découle une articulation spécifique entre l'histoire, la vérité, et l'être à la­quelle l’auteur est très sensible[20]. 
(3) Le p. Baillargeon connaît bien la pensée de Zizioulas. Son travail en témoigne largement. Pourtant, s’il y a dans sa lecture — à notre sens du moins— une vision "commu­nionelle " de l’œuvre, il ne s’agit pas dans le sens que nous venons d’évoquer, mais plutôt d’un 'communionnel' qui est "ecclésiologico-eucharistique". La réflexion de Zizioulas semble réduite à l'ecclésiologie d'un Afanassieff revue, méditée et corrigée[21]. Ceci pourrait faire oublier d'abord qu'Afanassieff travaillait suivant d'autres présupposés herméneutiques, ontologiques nous dirions, différents de ceux de Zizioulas[22]. Nous ajouterions ensuite que si Zizioulas axe son ecclésiologie sur la ‘Liturgie’ et en particulier sur l'eucharistie et l'évêque  (ce qui implique une vision particulière de l'ecclésialité, de la tradition, et de l'herméneu­tique, dans la ligne du φρόνημα patristique à son avis), ce n'est pas là le fondement de sa théologie, de sa vision théologique ou mieux de sa vision ‘théo-ontologique’, mais plutôt le lieu (historique-apocalyptique, iconique et sacramentel dirions-nous) des articulations ma­jeures Théologie-Economie et Histoire-Eschatologie[23].
En complétant les trois premiers chapitres de son livre par celui consacré aux consé­quences anthropologiques de l'ecclésiologie de Zizioulas, le Père Baillargeon modifie quelque peu l’ordre des données qui constituent l'horizon herméneutique du métropolite: Communion, Personne et Liberté, constituent un horizon qui a son lieu ultime de référence dans la Trinité elle-même. Certes, on ne peut pas tout dire dans un livre, si détaillé soit-il, sur une pensée aussi complexe que celle de Zizioulas. On aurait pu cependant préciser au départ –avec un chapitre sur la 'théologie fondamentale'– l'horizon de cette ecclésiologie; autrement dit, préciser que l'ecclésiologie se situe ici (et prend son 'sens') à partir et dans une vision ecclésiale de la Réalité (de l’incréé et du créé = Dieu, homme, monde) où l'idée de "com­munion"[24] constitue la clé de voûte. Sinon le lecteur non averti risque de ne pas bien saisir le pourquoi et le fondement des objections d’ordre ecclésiologique formulées par Zizioulas, notamment à l’encontre de  Khomiakov, Lossky, Afanassieff, comme à l’égard de toute ec­clésiologie —et de toute théologie —où l'articulation entre christologie et pneumatologie fe­rait défaut. On risque ainsi de ne pas saisir non plus pleinement  les fondements théolo­giques et le statut épistémologique  de ces objections: en un mot, de ne pas reconnaître l'im­portance de l'enjeu pour la théologie et le statut épistémologique de l'herméneutique de Zi­zioulas qui est, à notre avis, de bout en bout ‘théo-ontologique[25]’. 
Si nous insistons sur la question herméneutique, ce n'est pas seulement par souci d'une lecture fidèle au 'sens' de l'œuvre de l’auteur; c’est aussi et surtout parce que celui-ci y insiste fortement. Comme il le dit clairement[26], il faut, dans nos dialogues inter-ecclésiaux, être très  attentifs à vérifier nos présupposés  herméneutiques (le "lieu" d'où l’on parle), plutôt que de porter l’essentiel de notre attention sur des thèses théologiques ou dogma­tiques[27]. Dans notre cas, et faute de cette mise au point préalable, le lecteur risque de pren­dre comme contribution spécifique de Zizioulas ce qui ne constitue que le développement conséquent (les thèses ecclésiologiques) d’une visée plus essentielle (son herméneutique patristique ‘théo-ontologique’[28]), qui resterait non reconnue dans son statut épistémologique spécifique. Nombre de questions que pose Baillargeon n'auraient peut-être pas revêtu la même importance, si l'horizon herméneutique de Zizioulas avait été défini de façon plus spécifique.
 
2. - La lecture de G. Baillargeon et les apories
 
(1) Dans le chapitre 5 de son travail, le père Baillargeon expose d'abord l'œuvre de J. Zi­zioulas à travers un résumé de sa lecture (5/A). Par la suite, l'auteur interroge le métropolite (5/B) sur ses recours à l'histoire en théologie; notamment à propos des certaines thèses (historiques) et de quelques articulations (équilibres systématiques) dans son œuvre.
Il s'agit de la partie clé de l'étude[29] et sur laquelle nous voudrions réfléchir ; pour déga­ger l'enjeu des ques­tions de Baillargeon et, en même temps, le 'sens-lieu' de l'équilibre chez Zizioulas. D' autant plus que nous sommes convaincus –tel qu'il l'exprime aussi bien Baillargeon–, du fait que le métropo­lite de Pergame a toujours cherché "à enraciner histori­quement son travail théologique, et c'est là sans doute un des grandes mérites de sa pen­sée"[30].
Qu' il nous soit permis de nous expliquer et d'en offrir, d'abord, le schéma du travail de Baillargeon afin de pouvoir –avec lui et avec le lecteur– mieux comprendre et mieux si­tuer les pro­blèmes de lecture; de la sienne comme de celle de Zizioulas;  par là le 'sens' de ses questions.
Le chapitre 5/A ('Richesse des grandes articulations') constitue en miniature l'exposé de la thèse auquel le 5/B ('Points d'ombre et interrogations') correspond en contrepartie[31] 
Le 5/A est divisé en cinq points, à savoir le n.1 ('la centralité de l' eucharistie')[32], qui ré­sume les points 2, 3, 4 et 5, ceux-ci à leur tour, comme résumés  des chapitres 1-4.
Le 5/B est divisé en quatre points: les deux premiers résument des critiques quant à la lec­ture de l'histoire par Zizioulas; les deux derniers expriment le questionnement personnel de l'auteur quant à l'équilibre en systématique  de Zizioulas.
D'après cette articulation qui constitue la 'grille' de la lecture de Baillargeon, la 'cen­tralité de l' eucharistie' dans l'ecclésiologie en exa­men, se manifeste comme suit:
1) L'Eglise instituée comme assemblée eucharistique, présidée par son évêque (l'as­pect christologique)[33].
2) L' Esprit-saint 'co-institue' l'Eglise comme corps du Christ (au cœur même de l'eu­charistie) dans un mouvement d'épiclèse qui nous renvoie à la diversité  des ministères[34]
3) L'eucharistie joue un rôle décisif quant à l'unité, la multiplicité etc.; (les 'notes' de l'Eglise)[35], et
4) L'eucharistie constitue le moment de la vie de l'Eglise, où l'homme et le monde parti­cipent déjà, comme par anticipation, à l''eschata'[36]
Et l'auteur conclue: "Ce bref rappel évoque bien l'image d'une pensée qui se déploie autour d'un centre unique, l'eucharistie. Cette centralité de l' eucharistie ne réduit donc pas l'Eglise et son mystère à une simple activité cultuelle..."[37].
Qu'il nous soit permis de demander: Ne faudrait-il plutôt parler (au niveau ecclésio­logique et selon Zizioulas) d'une centralité de l''acte Liturgique' (Λειτουργία)  comme ανα­φορά et comme ευχαριστία? C’est-à-dire comme les deux pôles qui ne peuvent jamais être réduits en un seul mais qui sont posés ici et maintenant par/dans le Christ lui-même. Le "per Ipsum, et cum Ipsum et in Ipso ad te Deum Patrem...." est dit, nous semble-t-il par l'évêque comme icône ministérielle[38] (sacrement eschato­logique) du Christ à venir, pour "la gloire de Dieu et le salut du monde".
Il semblerait, à travers la lecture de Baillargeon, que la question ontologique (ou on­tosotériologique ?) de la coïncidence entre l’‘un’ et le ‘multiple’, liée chez Zizioulas à celle de la coïncidence entre ‘communion’ et ‘vie’, ait son origine dans une "ecclésiologie eu­cha­ristique". Il est bien vrai que cette question, fondamentale chez l’auteur, trouve en cette der­nière son "lieu d'articulation" (“Economie-Théologie”), mais on ne peut pas dire qu’il trouve en elle son "fondement ontologique" (qui est à l’avis de Zizioulas strictement “Théologique”). Par ailleurs, pourquoi parler de la centralité de l'eucharistie chez le métro­polite sans mentionner simultanément celle de l'évêque?[39]  Nous craignons que le p. Baillar­geon n'arrive pas à dégager assez clairement le sens du rapport "Amt-Geist" dans le cadre de l'action Liturgique (‘anaphorique’ et ‘eucharistique’ si j’ose dire) comme commu­nion à l'in­créé, dans la vision ecclésiale et l'ecclésiologie de Zizioulas.
(2) Pour problématiser ultérieurement la question nous nous interrogeons d’abord: est-ce que Zizioulas utilise-t-il vraiment l'histoire pour prendre appui dessus, comme Bail­largeon le soutient? Il se pourrait mais il faudrait explorer davantage pour comprendre ‘la raison’. En tout cas l’approche biblique et généralement historique[40] de Zizioulas, ne de­vrait-elle pas être jugée à partir d'une vision quelque peu historiciste et positiviste de la tra­dition et de sa continuité [41] Peut-on dire que l'Ecriture (et donc l'histoire) n'ont pas de rôle structu­rant dans sa pensée qui par ailleurs semble préoccupée de l'articulation "histoire-eschatolo­gie"?[42] Ici aussi il faudrait approfondir les tensions internes d’une œuvre riche. Est-ce que Zizioulas surva­lorise l'eucharistie en dévalorisant le baptême? Ou encore, est-ce qu'il supprime quelque peu la distance entre l'histoire et le royaume à venir au sein de la Liturgie ? Et en dehors de la Liturgie qu’advient-il[43]? Ce sont des questions importantes que nous partageons entièrement avec le p. Baillargeon et qui sont peut-être liées au type de ‘Liturgiocentrisme’ (ou ‘Liturgiomonisme’ ?) de Zizioulas[44].
En tout cas, nous ne pouvons pas utiliser comme équivalentes des expressions telles que "nature  divine et nature humaine" d’une part, et "(être)  incréé / (être)  créé" d’autre part, à propos du dogme de Chalcédoine[45], alors que l'être ne se réfère pas à la nature mais à la communion comme vie  (contre la "pente naturelle de notre entendement"), et que la dia­lectique  et la liberté de l'hypostase sont fondamentales chez Zizioulas[46] En quel sens "les biens eschatologiques... sont-t-ils la vérité du sacrement" selon le métropolite? A quelles notions d'icône et de sacrement se réfère-t-il ici le père Baillargeon?[47]
(3) De notre point de vue l'articulation hypostatique-eschatologique  entre Théologie  et Economie renvoie 'christiquement'[48] à l'articulation entre (être) Incréé et (être) créé; ‘christi­quement’ d’abord et non pas d’abord ‘liturgiquement’. La vérité chalcédonienne du Christ précède la Liturgie. Ici c’est notre propre objection à Zizioulas concernant la centra­lité de la Christologie qui pour nous est essentielle ; surtout dans sa forme chalcédonienne de la dialectique absolue du créé et de l’incréé en Christ (sans séparation, ni confusion). Pour nous le ‘lieu’ des articulations Théologie-Economie et Histoire-Eschatologie c’est le Christ chalcédonien que l’on célèbre dans/par la Liturgie. Non pas la Liturgie elle-même. Chez Zizioulas la ‘centralité christique’ semble être déplacée (du Christ chalcédonien lui-même vers la Liturgie byzantine) et dit comme ‘centralité liturgique’. Logiquement le ‘christocentrisme’ d’une telle vision ecclésiale devient ‘liturgiocentrisme’ pour ne pas dire ‘ecclésiocentrisme’ (via la Liturgie comme essence-manisfestation de l’Eglise)[49].
Il nous semble bien que l’articulation hypostatique-extatique du créé à l’incréé, com­prise comme communion, devrait s’effectuer dans une perspec­tive eschatologique et ico­nique; celle de la communion/vie du créé au Père — dans/par le Corps ecclésial du Christ (hypostase trinitaire par condescendance comme "personnalité corpo­rative")[50]. C'est là préci­sément que des notions telles que ‘personne’ et ‘liberté’, chères à Zizioulas, comme par ailleurs ‘icône’ et ‘sacre­ment’ devraient être pensées à partir de l'hypostase du Christ (enhypostasie  comme catégorie es­chatologique)[51].
(4) En Ecclésiologie la 'centralité de l'eucharistie' comme événement de communion est dite par le père Baillargeon à l'aide de la parabole: "Au commencement était l'eucharis­tie"[52]. Si "au commencement était l'eucharistie" on devrait dire logique­ment qu'"au commen­cement était l'eschatologie" (car l’eucharistie est un acte eschatologique de l’Eglise selon Zizioulas) et renvoyer ainsi le lecteur au mystère du Christ, à sa pâque eschatologique au centre de l’histoire. Il nous semble pourtant que le métropolite a peut-être une tendance à dissocier l’eschatologie de l’histoire (du salut) mais cela aussi il faudrait le vérifier.
Cependant au fond de questions soulevées par le p. Baillargeon, a raison nous semble-il, il y a un choix, peut-être inconscient de sa part, dans la perspective de lecture : une lecture ecclésiologique qui dit l'Eglise en tant que 'centralité  de l'eucharistie'[53]. Un même choix se reflète dans les apories à pro­pos de certains équilibres systématiques et de certaines lectures  historiques de Zizioulas[54]. Bref, un choix de lecture qui détermine son questionnement.
 
3. La pensée de J. Zizioulas et la théologie en dialogue
 
(1) Le père Baillargeon connait très bien l'œuvre du métropolite de Pergame ; son travail en témoigne large­ment. Sa lecture et ses questions nous obligent à creuser un peu sur les 'ra­cines plus profondes' de la pensée de Zizioulas. Nous demander, par conséquent, sur le 'sens' de son inscription au sein d’une théologie ‘ecclésiale’ non ‘confessionaliste’[55] par le biais et le 'lieu' de la tradition de l'Eglise orthodoxe. Quel est le sens de la conviction du métropolite quant à l'inscription de sa pensée au sein de (et en continuité avec la) foi de l'Eglise indivise? Le fait que Zizioulas ré­cuse en général toute théologie « confessionnelle » comme 'confessionnalisation' c.à.d. individualisation particulariste de la théologie (qui ne peut être qu'ec­clésiale-καθολική), et en particulier  toute ecclésiologie « confession­nelle », ne devrait-il pas nous questionner; du moins par fidélité au 'sens' de son œuvre ?[56]  Ceci nous paraît être d'une importance capitale. Pour la juste évaluation de l'œuvre, par fidélité à son 'sens' qui se veut ecclésial et pour éviter enfin, autant que pos­sible, des réductions (par projection)[57].
Tout d’abord il nous semble qu’il faut établir une distinction entre « confessionnel », qui relève de l’histoire de la confession de la foi ecclésiale, et « confessionnaliste » qui re­lève du statut de particularisation qu’a assumé ce « confessionel » de l’Eglise suite à l’époque de la Réforme (Konfessionalismus). Nous croyons que Zizioulas aurait raison à s’inscrire en port-à-faut au « confessionnalisme » (particularisme ecclésial) mais non pas au « confessionnel » comme tel (ecclésialité).
(2) Les critiques de Zizioulas à Khomiakov, Lossky et même Afanassieff[58], se basent, nous semble-t-il, sur une perception globale du mystère du Salut: le Dieu en Christ, comme la 'vraie vie'  du monde;  notamment sur le sens, le 'lieu' et la réalité elle-même de l'Econo­mie du salut (μυστήριον της οικονομίας). Ceci est vécu, selon la foi apostolique et patris­tique, spécialement dans la  divine Liturgie (comme αναφορά et ευχαριστία). C'est de ce point de vue que leurs positions représentent aux yeux de Zizioulas l’exemple d’une articu­lation manquée[59] entre ‘Christologie’ et ‘Pneumatologie’ en ‘Ecclésiologie’ donnant lieu à son avis à des Ecclésiologies finalement pneumatocen­triques[60]. Pour la structure théolo­gique de Zizioulas, un tel manque d’articulation se répercuterait sur l'Eco­nomie divine dans son ensemble[61]. Zizioulas en parle longuement.
La notion de l'Etre comme Communion n'est certes pas facile à saisir, du moment où elle veut 'signifier' la Vie en Dieu et à partir de Dieu. Elle est encore moins facile à explici­ter dans ses articulations tout au long de l'œuvre de J. Zizioulas. Ce qui nous semble pour­tant évi­dent, c'est qu'ici, à chaque idée de communion de l’incréé (et du rapport créé-incréé) en théologie correspond toujours la même idée en économie et que dans cette mise en rap­port entre Théologie et Economie les termes ne sont ja­mais interchangeables[62]. Cela pose l'ur­gence de mettre au clair chez Zizioulas le 'sens' des catégories Théologiques telles que cause, communion, personne, liberté, apophase et icône, en elles-mêmes et dans leur fonc­tionnement Economique à travers une dialectique créé-incréé qui pour nous est christique. Ceci est important pour comprendre l’intention (le 'sens') de l’auteur pour que le "don" qui vient du Père, puisse se dire dans sa “nouveauté” et sa "distance".
(3) Il semble important, à notre avis, de nous problématiser quelque peu sur le 'sens' et le 'comment' de l'inscription de la pensée du métropolite au sein de la théologie. Ceci nous paraît capital à double titre. Nous avons constaté, à tort ou à raison, une grille de lec­ture chez le père Baillargeon (la 'centralité de l' eu­charistie') qui lui vienne, peut-être, de Afanassieff; une grille appliquée de façon tout à fait cohérente sur un matériel considéra­blement vaste et complexe.  Nous avons également constaté la présence des certaines ques­tions (celles de Baillargeon lui-même et celles des autres) à Zizioulas. Questions qui acquiè­rent leur sens (et leur statut) par un certain type de questionnement historique et systéma­tique. Nous avons cherché une analyse interne (bien que som­maire) de la lecture du père Baillargeon et y discernons à tort ou à raison un certain déplacement de perspective par rap­port à celle de Zizioulas. Un déplacement de l'œuvre vers une "centralité de l'eucharistie" et une qualification de cette ecclésiologie comme simplement 'eucharistique'; inscription, nous semble-t-il, dans la ligne de l'école russe. Nous ne y associerons pas facilement à cette ins­cription ni pour l'ec­clésiologie ni encore moins pour la théologie du métropolite dans son ensemble.
Il n'est pas sans intérêt de constater que les synthèses critiquées par Zizioulas présup­po­sent une connotation culturellement prédéterminée des notions telles que personne, cause, communion  (prises ici dans leur articulation mutuelle en Economie et en Théologie). Il y a peut-être là un problème particulier celui d’une hétéro-interprétation qui nous ramène au problème du langage spécifi­quement théologique dans le cadre d'une épistémologie adé­quate à son objet: à savoir le Mystère de Dieu (et du créé) en Christ[63]. Un des mérites du tra­vail de Baillargeon[64] c'est d'avoir contri­bué —bien qu'indirectement, mais avec une cohé­rence exemplaire— à une interrogation critique sur ce type de questions théologiques de première importance. Et pas uniquement pour l'Orthodoxie !
Il serait peut-être opportun de signaler ici que Zizioulas plaide en faveur de l’affirmation bien légitime d’une identité culturelle en théologie chez chaque peuple. Mais, en même temps, il la considère comme un risque pour l'Eglise; comme une tentation per­manente de déplacement de l'opposition confessionnaliste en opposition culturelle. Il s'agit, selon le métropolite, et au sein de l'Orthodoxie notamment, d'un autre type de polarisation qui, a eu lieu avec les "slavophiles" durant le 19ème siècle en Russie[65] et il n'a rien ou peu à voir avec l'"hellénisme" des Pères (comme méthodologie et type de démarche intellectuelle) de la théologie de l'Eglise indivise[66].
S'il est juste de situer le point de départ historique de la pensée de Zizioulas en Grèce, nous nous demandons dans quelle mesure on peut dire que sa problématique reste condi­tionnée par la problématique religieuse-culturelle d’une certaine théologie grecque. Il nous semble que sa pensée ne peut être comprise que dans le prolongement de la critique de G. Florovsky d’une part (christianisation de l'hellénisme, ressourcement dans la vie ecclésiale en communion), et, d’autre part, à la lumière des dialogues œcuméniques des Eglises d’Orient et d’Occident, comme un effort cons­tant de relecture existentielle[67] de la foi ecclé­siale[68].
(4) On pourra nous rapprocher le fait d'avoir élargi ici la problématique, de l'ecclé­siologie à la théologie fondamentale. Nous persistons à croire que la pensée de Zizioulas est d'abord extrêmement bien articulée (un point se répercute sur le tout, et réciproquement) et que c'est cette cohérence arti­culée  qui se dit comme herméneutique.  Par conséquent, si l'on veut réellement discuter sur la théologie de Zizioulas (à partir de n'importe quel chapitre de la dogmatique, ou de n'importe laquelle de ses lectures historiques) il nous faut au préalable discuter sur les principes –et leur statut épistémo­logique– de sa méthodologie herméneutique (le "d'où parlez-vous ?"). Cette démarche critique nous semble par ailleurs urgente pour une théologie en dialogue. En dialogue interdisciplinaire et/ou œcuménique en profondeur. Ne fut-ce que pour témoigner de notre espérance.
Ceci peut paraître, à première vue, comme un inconvénient; notamment aux ren­contres œcuméniques, où l'on plaide souvent pour une 'diversité réconcilié' entre Eglises. J. Zizioulas semble ne pas être d’accord avec cette perspective.  Sans partager son point de vue et sans vouloir abu­ser de la patience du lecteur, nous pouvons en revanche nous de­mander: réconciliée oui mais ‘où’ (à partir de quel 'lieu') et ‘pourquoi’ (pour quelle 'raison')?[69] Si comme je nous le croyons, le 'lieu' et la 'raison' sont le Christ lui-même qui vient (la vé­rité de grâce qui appartienne à l'eschata) les dialogues nous semblent incontournables comme μαρτύριον-μαρτυρία (martyre et témoignage) eschatologique. Nous dirions même, ontologiquement incontour­nables pour l’ecclésialité de chaque Eglise. Par conséquent, le premier problème à éclaircir en œcuménisme c'est le 'pourquoi' du dia­logue et le pourquoi du questionnement (son 'lieu' et sa justification: justice-justesse). Ne fut-ce que pour éviter tout équivoque humaniste, où des attitudes œcuméniques et anti-œcuméniques s'implique­raient réciproquement suivant les 'types' des humanismes et l' 'histoire' des gens ou des so­ciétés concernés. Chaque pourquoi impose, nous semble-t-il sa méthodologie propre. Per­sonnellement nous croyons que ce 'pourquoi' de l'œcuménisme (ou du questionnement à propos de l'œcuménisme)  dépasse infiniment  un questionnement à propos de la justice et de la jus­tesse envers l’autre (droits-devoirs dans l'ordre du créé). Le dialogue en l'œcumé­nisme, tel que nous le voyons, ne peut être justifié (et justicié) que par la grâce du Christ (et comme la grâce du Christ, l'Esprit Saint). Ne fût-ce que comme 'questionnement' à propos de son opportunité il est d'ordre stric­tement eschatologique  et par conséquent urgent. Comme urgence de la 'nouveauté' et comme anticipation de la venue du Christ avant son ultime jugement.
Alors que G. Florovsky développe génialement une certaine thématique patristique, dans le dialogue constant et sincère, comme première ébauche de sa propre synthèse, J. Zi­zioulas se con­centre non seulement sur l'articulation —ouverte et organiquement charpen­tée— d’une thé­matique patristique, pour dire la foi, mais en même temps sur l'herméneu­tique et ses principes structurants en théologie. Il le fait, comme il le souligne si bien Bail­largeon, dans le cadre d'un travail interconfessionnel constant, puisque "la théologie patris­tique n'est ni orientale ni occidentale, mais d'emblée universelle et œcuménique"[70]. Comme une mémoire-Tradition qui, parfois refoulée, perdure cependant en nous (ανάμνησις) et se donne déjà (επίκλησις) comme l’écho de l’écho du futur (l'εσχατον de Dieu); dans et comme la célébration eucharistique de la Liturgie. Ce mode spécifique d'accès à la vérité et à la connaissance historique en théologie constitue, nous semble-t-il, une des contributions ma­jeures de Zizioulas à la méthodologie en théologie pour aujourd’hui. Une herméneutique comme célébration ou λειτουργία du μυστήριον (le Dieu en Christ, nouveauté eschatolo­gique) et comme κήρυγμα (sa proclamation à l'homme comme nouveauté). Par-là, il a bien mérité de la reconnaissance de tous ceux qui, fils de l’Orient ou de l’Occident, aspirent à retrouver eux aussi, à travers leur propre tradition, l’écho de la parole ori­ginelle. Le mérite de l'étude du Père Baillargeon est d’avoir perçu cette contribution fondamen­tale, et de lui avoir rendu, en précurseur, un témoignage vibrant.
 
 
ΠΕΡΙΛΗΨΗ/RESUME
 
Το κείμενό μας αυτό αποτελεί μια κριτική ανάγνωση στη έννοια της «κοινωνίας» όπως εκ­φρά­ζεται στο έργο του Ιωάννη Ζηζιούλα, μητρ. Περγάμου. Ξεκινώντας από μια μελέτη αφιε­ρωμένη στην εκκλησιολογία του Περγάμου, του G. Baillargeon, διατυπώνονται ερωτή­ματα μεθοδολογίας και ερμηνευτικής σε μια θεολογία όπως αυτή του μητροπολί­του που επιθυμεί να είναι εκκλησιακή, δηλ. μυστηριακή και όχι απλώς ομολογιακή. Η με­λέτη του Baillargeon παρουσιάζει με ακρίβεια την εν λόγω εκκλησιολογία ως δομημένη γύρω από την ιδέα της κοινωνίας. Παραταύτα, στη ανάγνωση του Baillargeon φαίνεται να υπάρχει μια ισονομία μεταξύ «εκκλησιακής» θεώρησης και «εκκλησιολογικής» θεώρησης, δηλ. μεταξύ του «μυστηρίου της πραγματικότητας», κτιστής και άκτιστης, και της εκκλη­σιολο­γίας· κάτι που κατά την άποψή μας δεν ισχύει στο έργο του Περγάμου. Με λίγα λόγια πα­ρατηρείται στο έργο του μελετητή μια «εκκλησιολογική περιστολή» της σύνολης εκκλη­σια­κής θέασης των πραγμάτων κατά τον μητροπολίτη. Το έργο του τελευταίου είναι σαφώς τριαδοκεντρικό (η αγία Τριάδα) και όχι ευθέως εκκλησιοκεντρικό (η Εκκλησία). Σε αυτή την προοπτική η μελέτη μας, έχοντας απέναντί της τόσο το έργο του Περγάμου όσο και την ανάγνωση του Baillargeon, διερευνά ουσιαστικά τη σχέση μεταξύ αγίας Τριάδος («Θεολο­γία») και Εκκλησίας («Οικονομία»), τόσο στο έργο του μητροπολίτου όσο και στην κριτική ανάγνωση του υπομνηματιστή του, διατυπώνοντας ως τρίτος μεταξύ των δυο τις δικές μας απόψεις.
 
Λέξεις κλειδιά: Ιωάννης Ζηζιούλας (μητρ. Περγάμου), θεολογική οντολογία, κοινωνία, τριαδική Οικονομία, τριαδική Θεολογία (τριαδολογία), ορθόδοξη εκκλησιολογία.
 
Notre étude constitue en une lecture critique de la notion de « communion » telle qu’elle se développe dans l’œuvre de Jean Zizioulas, métropolite de Pergame du Patriarcat œcuménique. Prenat l’appui dans une étude de G. Baiilargeon consacrée à l’ecclésiologie de  Jean de Pergame des questions de méthodologie et d’herméneutique théologique sont formulées concernant une théologie, comme celle de Zizioulas, qui se veut « ecclésiale », « catholique », c’est-à-dire « mystérique » (eucharistique et sacramentelle) et non partielle, confessionnaliste. L’étude de Baillargeon expose avec exactitude cette ecclésiologie constituée autour de l’idée de communion. Cependant à la lecture de Baillargeon il semble exister une équivalence sémantique entre une vision « ecclésiale » et une vision « ecclésiologique », autrement dit entre une vision du « mystère de la réalité » (créée et incréée) et celle de l’ « ecclésiologie » ; ce qui serait une réduction de l’ontologique à l’ecclésiologique. En bref, dans l’étude du chercheur canadien il semble exister une « réduction ecclésiologique » de la vision « ecclésiale », à savoir ontologico-mystérique, du métropolite Jean. L’œuvre du dernier semble être à nos yeux certainement trinitaire (le mystère de la sainte Trinité) et non directement ecclésiologique (le mystère de l’Eglise). Dans cette perspective notre étude, située à la fois face au commentaire de Baillargeon et au travail de Jean de Pergame, tente d’explorer essentiellement la relation entre la « Theologhia » (la sainte Trinité) et l’ « Oikonomia » (l’Eglise), aussi bien de l’œuvre du métropolite que dans le commentaire que Baillargeon lui fait en formulant, comme tiers entre les deux, des questions critiques.
 
Mots clés : Jean Zizioulas, communion, ontologie théologale, Economie trinitaire, Théologie trinitaire, ecclésiologie orthodoxe.



[1] Réflexions critiques à partir de la lecture de G. BAILLARGEON, Perspectives orthodoxes sur l'Eglise-Communion, Editions Paulines et Médiaspaul, Mon­tréal-Paris, 1989. Cf. du même auteur: "Jean Zizioulas, porte-parole de l'Orthodoxie contempo­raine" dans  NRT  111(1989), p. 176-193.
[2] Cf. la présentation du livre par J. Zizioulas, idem  p. 8.
[3] Ibid., p. 7-9.
[4] Ibid., p. 11-19.
[5]  Cf. A. de HALLEUX, "Personnalisme ou Essentialisme trinitaire chez les Pères cappadociens? Une mau­vaise controverse", dans Revue théologique de Louvain 17(1986), p. 129-155; 265-292 (133) qui voit pour­tant chez Zizioulas "un personnalisme chrétien", homologue à celui de Ch. Yannaras ("un existentialisme chrétien de la liberté personnelle") (132). Probablement le père de Halleux considère la 'communion' et par conséquent le 'personnalisme' de Zizioulas dans la suite d'"un existentialisme chrétien de la liberté person­nelle" (Yannaras) et comme élargissement de la polémique néo-palamite de Vl. Lossky (129). Une approche, au fond semblable du personnalisme de Zizioulas on trouve chez S. AGOURIDIS, "Est-ce que les personnes trini­taires peuvent offrir un fondement aux ap­proches personnalistes de l'homme ?", dans Σύναξη 1990/1, p. 67-78 (en grec) et chez J. PANAGOPOULOS, "Ontologie ou théologie de la personne ?" (en grec), dans Σύ­ναξη 13(1985), p. 63-79; 14(1985), p. 35-47. Cette approche de la perspective herméneutique du métropolite se reflétait dans notre "L'anthropologie théologique de Jean Zizioulas", dans Contacts  1989/1, p. 6-23; d'au­tant plus que Ch. Yannaras contribue, sans le vouloir, à une telle con­fusion entre sa pensée, Lossky et le per­sonnalisme zizioulien, par une 'transposition existentiale de cer­taines parmi les thèses théologiques du métro­polite, présentes au sein de l’œuvre propre. Cf. Ch. YANNARAS, La liberté de la morale, Genève, 1982; Philosophie sans rupture, Genève, 1986; La foi vi­vante de l'Eglise, Paris, 1989 ; et finalement dans "Conse­quences of an Erroneous Trinitology in the Modern World", dans La signification et l'actualité du IIème con­cile œcuménique pour le monde d'aujourd'hui  (ouvrage collectif), Chambésy-Genève, 1982, p. 497-502 qui résume la pensée yannarienne. En tout cas chez de Halleux, Agouridis et Panagopoulos un même choix her­méneutique conditionne leurs lectures et/ou leurs apories: la précompréhension 'loskienne'. Et bien que pour Yannaras la lecture zizioulienne ne soulève pas des apories, pour Panagopoulos et de Halleux telle lecture soulève des apo­ries (systématiques-dogmatiques pour le premier, historiques-dogma­tiques pour le dernier). Les apories de S. Agouridis enfin sont d'ordre plutôt histo­rique que systématique. Ce débat de lectures non-critiques et critiques de l’œuvre du métropolite est significatif de l’emprise de l’ombre losskienne qui plane sur toute théologie orthodoxe contemporaine. Il mérite une analyse détaillée qui ne peut pas trouver place ici.
[6] Aux pages 21-24 de son livre. Cf. aussi le résumé de la thèse aux p. 217-219.  S'il s'agit d’un déploiement des as­pects de la théologie de Zizioulas nous voulons bien souscrire à cette affirmation. Du point de vue de la méthodologie et des prin­cipes herméneutiques en théologie l'œuvre nous semble être d’une certaine manière achevée. Tout déploiement, pour être cohérent avec le reste, ne pourrait-être que concentrique et conséquent par rapport à la méthodologie herméneutique de J. Zizioulas qui semble clairement établie.
[7] Idem.  p.21
[8]  Ibid. p. 22 et ac.  p. 176: "une vision théologique de l'Eglise à partir d'un centre qui est la synaxe  eu­charis­tique" L'intérêt de l'œuvre du métropolite, selon Baillargeon, consisterait donc à sa contri­bution au dialogue œcuménique en ec­clésio­logie (ac. p. 176-7). Evaluation semblable on retrouve dans J.-M. Tillard  (cf. Préface à Baillargeon, oc. p.11-19, notes 15 et 16). Cette lecture représente une option hermé­neutique qui impose à l’œuvre du métropolite une orientation particulière. D'emblée nous signalons l'insis­tance de Zizioulas sur les présupposés théolo­giques qui sont à la base des thèses concrètes, comme on le verra par la suite. Ceci est méthodologiquement exact à cause de la relation d'une thèse-affirmation (théologique) par rapport à son univers herméneutique (la totalité de l’œuvre). Dans le domaine de l'ec­clésiologie il faudrait établir clairement, le rapport -selon Zizioulas- entre 'synaxe-communion' et 'eucharistie-communion'. Selon Baillargeon le 'communionnel' chez le métropolite semble être inscrit dans l''eucharistique' et récipro­quement. La bipolarité de la synaxe (autour de l'eu­charistie et de l'évêque), comme tension entre le présent et l'escha­ton, d’après Zizioulas, semble être réduite dans la lecture de Baillargeon à leur coïncidence dans le ‘même’. Pourtant, de notre point de vue, une 'réduction au même' de l’histoire et de l’eschatologie impliquerait ou bien l'absorption de l'histoire dans l'es­chatologie, ou bien l'absorption de l'eschatologie dans l'histoire. Est-ce bien le cas pour Zizioulas ? Il n'y aurait-il pas, au fond d'une telle lec­ture de la perspective zizioulienne, un pro­blème quant au sens et au rapport entre sacrement et icône?
[9] Les pages 27-34 et surtout le chapitre 6/A du livre examinent le contexte historique de la théologie grecque.  Le 6/B présente le regard critique de Zizioulas sur la théologie orthodoxe contemporaine.
[10] Telle que nous la voyons, la Réalité, aussi bien créée (l’être créé des créatures) qu’incréée (l’être trinitaire de Dieu) est à contempler théologiquement par/dans le Mystère du Christ. Nous nous posons au fait dans une perspective résolument christocentrique et seulement secondairement liturgiocentrique. Non directement li­turgiocentrique. De ce point de vue nous dirions que l'Etre créé est par lui-même non existant, ‘méo­nique’ (μη-όν) dirait Florovsky, en grec «αναυθυπόστατον» (μη-ιδιοϋπόστατον). L’être créé est ‘possible’ car il est et reste radicalement 'création' (="ex nihilo"). Il n'existe qu'à partir du Christ et dans le Christ. Mais l’Etre est «αναυθυπόστατον», «μη-ιδιοϋπόστατον»  car il est «ενυπόστατον» (pour une approche semblable cf. J. ZIZIOULAS, "Christologie et existence”, dans Contacts  36 (1984)126, p. 154-172). A nos yeux il s'agit d'une "ontologie du mystère de l’être en Christ" ; d’une ontologie de grâce, ou plutôt d’une « onto-sotériolo­gie » qui suppose nécessairement une conversion du regard :  dans la célébration liturgique de la gloire du Père et du Fils et du Saint Esprit; par la célébration litur­gique comme αναφορά (référence) du créé (par le Fils, dans le Saint Esprit, à la gloire du Père ) et  comme célébra­tion liturgique ευχαριστία (réception en action de grâces) du créé (dans le Fils, par le Saint Esprit, à la gloire du Père). C'est dans l'optique de ce « Mystère » (le Mysterion paulinien) qu'il faudrait penser, nous semble-t-il, le rapport fort délicat entre ‘théo­logie’ et ‘ontologie’ sur la base bien entendu d’une dialectique ontologiquement absolue entre être créé/être incréé comme Zizioulas le soutient avec insistance ; non sur la base d’une analogie quelconque, cataphatique ou apophatique. Pour la dialectique créé/incréé cf. J. ZIZIOULAS, "Preserving God's Creation-Three Lec­tures on Theology an Ecology", dans King's theological review, 1989/1 p. 1-5; 1989/2, p. 41-45; 1990/1 p. 1-5. Dans notre optique les implications du Mystérion, en même temps que les conséquences de l'ex nihilo, sont capitales pour la gnoséologie et l'épistémologie théologiques. Si nous n’abusons pas Zizioulas s’inscrit en gros après tout dans une telle perspective d’ontologie théologale, mais cela reste à vérifier.
[11] De l’avis de Zizioulas ‘Dieu’ est communionnel en lui-même sans participation (en ‘Théologie’) tandis que l’’Eglise’ est communionelle en elle-même par participation au Dieu communionnel (en Economie’). La dif­férence entre communion et participation à la communion est capitale comme Zizioulas le relève justement. Cf. L’Etre ecclésial, p. 82-83.
[12] Pour notre part nous pensons que dans la perception de Zizioulas l’articulation entre ‘Théologie’ et ‘Econo­mie’ comporte comme tiers (lieu d’articulation) la ‘Liturgie’. C’est ainsi qu’un triangle herméneutique se forme à son avis entre Théologie, Economie et Liturgie. Nous y retournerons plus tard sur ce point.
[13] La notion de 'communion' a sa référence à la Sainte Trinité de Dieu, comme on peut le voir clai­rement dans la préface du livre (p.8).
[14] Ibid. p. 61. Une lecture attentive de la recension de L'Etre ecclésial par le père Congar (RSPT  1982/1, p. 88-89) met en évidence que cette ecclésio­logie 'eucharistique' de Zizioulas s'inscrit dans le Mystérium. Il va de soi que aussi bien pour Zizioulas que pour nous l'articu­la­tion hypostatique-personnelle (la personne trini­taire) du Christ, der­nier Adam est historiquement apocalyptique et ontologiquement in­créée.
[15] Cf. J. ZIZIOULAS, Vérité et communion", dans L'Etre ecclésial, Genève 1981, p. 57-110) (81 s.).
[16] De notre point de vue il s’agit de la vie du créé comme communion dans/par le Christ (le dernier Adam); com­munion réalisée ici et maintenant (comme Eglise), d'une manière iconique et sacramentelle.
[17] A notre avis il s'agit de l'articulation christique entre la Theologia et l'Oikonomia comme  dialectique créé-Incréé à partir de l'hypostase (personnelle-et-libre) du Christ (par qui et en qui tout a été fait). Nous pensons que le ‘Christ’, étant une ‘personne’ incréée (filiale pour la précision), non une ‘nature’ composée (di­vino-humaine), l'abîme ontologique, l’en dehors de Dieu (l’ex nihilo qui se traduit comme distinction radicale du créé par rapport à l’Incréé) est pensé à l'aide de la notion de 'créaturéité' (creaturhood). C’est la perspective que Zizioulas à la suite de Florovsky suggère. Qui dit ‘créaturéité’ dit ‘ex nihilo’. Cette distinction radicale créé/incréé devienne relation dialectique absolue ‘à partir de’, ‘dans’, et finalement ‘comme’ l'hypostase-per­sonnelle incréée du Christ, son hypostase ‘filiale’. Le créé ainsi, dans sa communion ‘filiale’ (et ‘pneuma­tique’) à l'Incréé qui constitue sa vie même, est littéralementcom-posé’ sur l'abîme du néant à partir de l'hy­postase personnelle du Christ, dans cette hypostase et eschatologiquement comme cette hypostase. Ceci a lieu au niveau ontolo­gique-eschatolo­gique par grâce, c.à.d. de manière pneumatique; cf. Maxime le Confesseur, Amb. I: 1052 D: " (les natures) à partir desquelles (εξ ών), dans lesquelles (εν αίς)  et lesquelles est (άπερ εστίν)  le Christ" et A. RIOU, Le Monde et l'Eglise selon Maxime le Confesseur, Paris, 1973, p. 93 s.
[18] Cf. .J. ZIZIOULAS, "Ministry and Communion", dans Being as Communion, Crestwood N.Y., 1985 p. 216-7. et J. ZIZIOULAS, "Preserving God's Creation-Three Lectures on Theology an Ecology", dans King's theolo­gical review, 1989/1 p. 1-5; 1989/2, p. 41-45; 1990/1 p. 1-5. Il s'agit nous semble-t-il d'une ontologie conditionnée par la pneumatologie et donc par la mystériologie (la vie du créé en/comme le Christ, dans la communion du Saint Esprit) ou, si l'on veut sur l'arrière fond de la Mystagogie mystériologique de Maxime le Confesseur, la liturgie cosmique en Christ comme ontologie de la nouveauté (eschatologique). Cf. A. RIOU, Le Monde et l'Eglise selon Maxime le Confesseur, Paris, 1973 et NT. MINTITS, "Le mystère de l'Eglise - une étude systématique et herméneutique de l'enseignement de saint Maxime le Confesseur sur l'Eglise", dans  Εκκλησιαστικός Φάρος 1985-89 (en grec).
 [19] Du côté catholique nous nous permettons de renvoyer, pour une problématique christologique semblable mu­tatis mutandis à celle de Zizioulas, à W. Kasper: "Spirito, Cristo, Chiesa", dans L'esperienza dello Spi­rito: Studi in onore di E. Schillebeecx, Brescia 1974,  p. 58-81.
[20] Cf. "Vérité et communion",  dans L'Etre ecclésial,  p. 81 s
[21] Il est décevant, du moins pour nous, de constater qu'en Grèce, et un peu partout d’ailleurs, Zizioulas est connu exclusivement comme ‘ecclésiologue’ plu­tôt que comme ‘théologien systématique’ tout court qui se situe simplement dans la perception ecclésiale (non confession­naliste et non idéologique) de la Réalité : de Dieu et du Créé en Christ. Bref du mystère de Dieu en Christ comme la Réalité.
[22] Basé sur la théologie (post) losskienne quant au sens, ‘logo-pneumatique’ notamment, de l'Οικονομία.  D'où l'importance primordiale de l'éclaircissement préalable des présupposés herméneutiques concernant la struc­ture de l’Economie comme Economie de Dieu ; ce qui ne peut que nous renvoyer à l’éclaircissement de la Théologie trinitaire. De notre point de vue ‘Economie’ et ‘Théologie’ sont des catégories relatives : l’’Economie’ est ‘Economie de la ‘Théologie’ et conversement la ‘Théologie’ est ‘Théologie’ de l’’Economie’. L’Economie, en tant qu’Economie de la ‘Théologie’ (l’Economie du Dieu trinitaire) est radi­calement ‘trinitaire’, donc ni ‘binaire’ (quoi qu’il en dise Lossky), ni encore moins ‘moniste’ (p.ex. energo­moniste). Il est vrai que les œuvres trinitaires ad extra de Dieu sont ‘communes’ : communes certes ils le sont bien sûr mais non ‘indifférenciées’ ; car l’existence trinitaire ad intra elle-même (‘Théologie’) est ’commune’ mais non indifférenciée ! Les hypostases-personnelles ne sont pas que des simples modalités de l’existence trinitaire. Cf. C . Gunton, Father, Son and Holy Spirit: Toward a Fully Trinitarian Theology, T & T Clark, London & New York 2003 ; IBID, The Promise of Trinitarian Theology, T & T Clark, London & New York 1991.
[23] Selon notre approche il s'agit de l'Eglise en tant que communion et icône eschatolo­gique du Christ total à ve­nir. Ce qui 'dit' une "croissance" pour l'histoire jusqu' à l'eschaton, jusqu’à la pleine stature du Christ dans son corps. Par ailleurs ce "lieu" est "extatique -apo­calyptique" car il 'dit' l'ouverture  à la (car à partir de la) Sainte Trinité de Dieu: l’ouverture au Père  par le Fils, dans l’Esprit. Il ne serait peut-être pas sans intérêt de signaler ici une certaine convergence (du moins apparente) de la problématique ontologique de Zizioulas avec la pen­sée phénoménologique de J. L. Marion  (L'idole et la distance, Grasset, 1977; Dieu sans l'Etre, Fayard 1982; Prolégomènes à la charité, la Différence, 1986.) Ce sujet mériterait, nous semble-t-il, un examen ap­profondi.
[24] Bien entendu chez Zizioulas la "communion" a son origine (sa cause) dans la "personne" du Père et sa li­berté, la li­berté comme amour du Père en premier (mais non exclusivement !), et non pas vice-versa; la com­munion ne serait pas une 'extase' de la 'nature com­mune' (comme une 'nature' commune qui serait 'extatique'). Elle est la plénitude de vie des hypostases-personnelles incréées. J. ZIZIOULAS, "Du personnage à la per­sonne", dans L'Etre ecclésial, Genève, 1981, p. 23-55 (p. 35 s.) Dans la lecture de Baillargeon par contre, si nous nous n’abusons pas, la communion semble être abordée dans une dimension quelque peu 'communio­niste' et 'existentialiste' (en ecclésiologie et en anthropologie). Ici il faudrait se poser des questions critiques: quel est le sens, le statut et le lieu de l'existence et de la communion, de la personne et de l'image, de l'être et du sacrement selon Zizioulas? Comme ils n'existent pas des concepts 'neutres' pouvons-nous les appli­quer, après coup, selon notre précompréhension, à la lecture d'un au­teur, du moment où ce dernier les a préétablis dans leur 'sens' à partir de l'ensemble d’une œuvre? Ceci rend certes la lecture de Zizioulas extrêmement com­plexe mais peut-être pas compli­quée.
[25] Un important travail à faire serait de comparer cette vision ‘théo-ontologique’ de Zizioulas (Liturgiocen­trique, telle que nous la percevons) avec d’autres visions comme celle de S. J. Grenz, The Named God and the Question of Being : A Trinitarian Theo-Ontology, Westminster John Knox Press, Louisville, Kentaky 2005.
[26] La vision de Zizioulas semble être consciemment (inter) ecclésiale et non (inter) confessionnaliste. C’est donc à juste titre que ses cours de théolo­gie dogmatique à la faculté orthodoxe de Thessalonique seront inti­tulés "Cours de dogmatique chrétienne".  En cela il témoigne d’un 'sens' de l'Eglise indivise. Son œuvre constitue, à notre avis, une référence pour toute théologie qui se veut 'cat-holique'.
[27] Cf. J. Zizioulas, "Le mystère de l'Eglise", dans Irénikon 1987/3, p. 323-327. Ceci doit être dit de toute œuvre théologique vraiment structurée, que ce soit en théologie moderne, médiévale ou ancienne-patristique ; cf. aussi: J. M. Le Guillou, Le mystère du Père, Fayard, 1973, qui dénonce avec vigueur une dérive de la vé­rité ecclésiale due à l'éclipse du mystère théandrique (14e-16e siècles) et sa dégradation en idéologie(s) (oc . p. 135-200). Significativement la critique par Le Guillou de l'"hétéro-interprétation" du Mystérion est fon­dée sur la thèse épis­témologique suivant laquelle le Mystère (le Christ) doit être auto-interprété (p. 31, 54) ; à l’aide d’une ontolo­gie certes, mais non pas préconstituée (philosophiquement ou culturelle­ment) et appliquée après coup. Nous souscrivons pleinement à cette vision des choses du p. Le Guillou. L'Etre est défini à partir, dans et comme le Mystère de Dieu en Christ ; ceci afin d'éviter, le plus possible, des glissements vers un 'mystique' (politique, religieux etc.); un 'mystique ontologisé' et par la suite projeté sur le Mystèrion (comme coïncidence entre le ‘mystique’ et le ‘mystérion’ sur un 'panoramique' mystifié).
[28] La pertinence de cette herméneutique patristique  constitue ici l'enjeu le plus important à notre sens. Qu'il nous soit permis de signaler, toujours au niveau méthodologique, une certaine convergence avec M. CORBIN, "Négation et transcendance de Dieu dans l'œuvre de Denys", dans RSPT 69(1985), p 41-76. De toute façon la cohérence interne, à nos yeux claire, de l'œuvre du métropolite de Pergame, témoigne en fa­veur de son hermé­neutique. D'autant plus que le 'cercle herméneutique' s'opère autour du (et vers le) mystère liturgique comme 'cercle' ellip­tique et ouvert, situé dans l'attente de la παρουσία, comme αναφορά et ευ­χαριστία. Montrer d'un côté cette cohérence et d'un autre côté les solutions aux apories théologiques que cette vision pourrait offrir, est une tâche à accomplir et qui dépasse l'objet de l’étude du père Baillargeon. Nous es­pérons pouvoir la mener à terme.
[29] Il s'agit du cercle herméneutique de Zizioulas (vérité-histoire-être) questionné par Baillargeon (et de P.C. Bori, A. de Halleux...) à travers son cercle  herméneutique (sa lecture de l'œuvre du métropolite). Nous ne pourrions pas ici aborder l'ensemble des questions historiques en théologie posées par ces auteurs à Zizioulas. Nous renvoyons cette examen à une autre occasion; la question du 'personnalisme des Cappadociens' notam­ment mérite un exa­men approfondi et, tout d'abord, du point de vue de l'exégèse patristique (l'histoire et les textes en question) associé au point de vue de la théologie systématique (les présupposés épistémologiques). Il va de soi que les deux ne peuvent que se trouver en tension (démarche historique, démarche systématique).
[30]  Idem p. 233
[31] Le 5/B présuppose le 5/A. Le 'sens' des questions est relatif au 'sens' de l'œuvre dégagé par la lecture. La mé­thodologie du père Baillargeon est conséquente. C'est le grand mérite de cette lecture mais aussi son a-priori non questionné. Est-ce que ce type  de méthodologie est-il vrai­ment pertinent à l'œuvre en examen ?
[32] Oc.  p. 217-219, nous lisons la thèse à travers ce résumé.
[33] Cf. p. 218 et l'ensemble du 1er chapitre.
[34] Cf. p. 219 et l'ensemble du 2ème chapitre.
[35] Idem et l'ensemble du 3ème chapitre.
[36] Ibid. et l'ensemble du 4ème chapitre.
[37] Ibid. (c'est nous qui soulignons). L'auteur aurait-il quelque peu oublié le titre de la thèse doctorale de Ziziou­las qui parle non d’un centre mais plutôt d’une "ellipse ouverte ": l'unité de l’Eglise autour de l’eucharis­tie et de l’évêque. L'œuvre de Zizioulas ne se lit pas à l’aide d’un cercle mais, peut-être, à l’aide d’une ellipse, et espérons-le comme ouverture (extatique).
[38]  Il se peut que nous fassions ici une projection de l'optique de Zizioulas dans notre lecture du sacrement et de l'icône. Si cela était vrai ne faudrait-il pas que le père Baillargeon précise un peu plus le sens du sacrement et de l'icône, leur rapport et leur incidence en ecclésiologie, chez notre auteur ?
[39] Pour Zizioulas cela implique une vision particulière de l'ecclésialité comme anamnèse et épiclèse.  L'Eglise est simultanément eucharistique et conciliaire comme icône du Christ à venir. Ceci nous renvoie à une vi­sion "anamnétique-épiclétique" de la tradition-histoire comme icône de l’eschaton. Selon la lecture de Baillargeon "au commencement était l'Eucharistie" (ac. n. 1, p. 177).  Ne faudrait-il pas, peut-être, creuser sur le sens on­tologique de la célébration liturgique (la vie) chez le métro­polite (dans la perspective de Maxime le Confes­seur et d'Ignace d'Antioche, par exemple).
[40] Cf. p. 234; 261-2.
[41] Une lecture (ερμηνεία) de l'histoire comme vérité et réalité (sub specie Dei in Christo) serait-elle réductible à une vision de l'histoire 'positiviste' ? Ou bien cette vision 'positiviste' elle aboutirait à l''hétéro-in­terprétation' du Mystérion et finalement à l'objectivation du don (Mystérion) par suppression de sa distance? Une méthodo­logie comme hermé­neutique déterministe de l'histoire (et de la théologie) qui ne tiendrait pas compte de l' 'ex ni­hilo' et de la 'créaturéité' serait- elle pertinente à l'œuvre du métropolite ? Pour Zizioulas -à la suite de Maxime le Confesseur- la vérité de l'Etre (au sens fort, ontologique, du mot) s’identifie à l' avenir (έσχατα). cf. Etre ecclésial, p. 53, n. 53; p. 87-89 et "le mystère de l'Eglise", p. 332-334.
[42] Baillargeon en parle aux pages 222-226 ; 312-314 et ailleurs ; cf. J. Zizioulas, "Implications ecclésiolo­giques de deux types de pneumatolo­gie" dans Mélanges J. J. von Allmen "Communio Sanctorum", Labor et Fides 1982, p.148, n.25 où l’auteur distingue, dans le cadre de la célébration -ce qui est significatif- deux types de pneumatologie mais aussi deux types de rapports entre l'histoire et l'eschatologie. Il y énumère pa­reillement plusieurs types d'eschatologie (dans son rapport à l'histoire); ce dans le contexte d’une synthèse ar­ticulée entre christologie et pneuma­tologie au niveau ecclésiologique.
[43] p. 254-256.
[44] Peut-être quant on ne discerne pas clairement chez Zizioulas les différentes types d'articulation entre l'his­toire et le royaume de Dieu (eschatologie). De l’avis du métropolite la conception du rapport entre l'histoire et le royaume de Dieu dépend de différents types de pneumatologie(s) et d'eschatologie(s). Cela nous renvoie à la problématique concernant le statut ontologique de l'icône et no­tamment à la Liturgie comme icône (anaphore et eucharistie) (cf. l'Etre ecclésial,  p. 87 s).
[45] p.257. L'être chez Zizioulas n'est pas dit à partir de la (et comme la) ‘nature’ mais à partir de la (et comme la) ‘personne’ et de la ‘communion’ des ‘personnes’. Le glissement ici nous semble significatif.
[46] Ceci est un point capital chez Zizioulas. L'être qui est identique à la Vie, semble ne pas être pensé comme don­née natu­relle (possédée et objectivée) mais comme don dans l'ouverture de la communion; cf. J. Ziziou­las, "Christologie et existence", dans Contacts 36(1984), p. 158. Le métropolite insiste sur l'union selon l’hy­postase (en Christ) du créé et de l'Incréé. Et ceci non seulement en christologie mais aussi et, par là eschato­logique­ment en théologie de la création  (l'icône du Royaume à venir).
[47] Idem  p.257 et 263-265. 
[48]  Ce 'christiquement' veut signifier l'hypostase incréée, le Christ Lui-même.
[49] Cela est due probablement au ‘triadocentrisme’ du métropolite, c’est-à-dire d’une approche liturgiquement préconstituée (pneumatocentrique) de la théologie trinitaire car à son avis et dans la tradition orthodoxe la Liturgie est la contemplation de la Sainte Trinité. Cependant, de notre point de vue plus historico-salvifique et moins contemplatif et pneumatocentrique que le sien, cette précompréhension liturgique de la ‘Théologie tri­nitaire’, non pas à partir du centre récapitulant de l’Economie trinitaire (ανακεφαλαίωσις) qui est le Christ chalcédonien et pascal, mais à partir de la Liturgie comme telle, nous semble quelque peu préétablie remoto Christo; ou plutôt il nous semble une approche qui offusque quelque peu le ‘primat du Christ’ en identifiant trop facilement son histoire pascale (εφάπαξ) avec la Liturgie elle-même (comme Liturgie), en supprimant la différence entre la Pâque du Christ en elle-même et sa célébration liturgique en nous. Celle-ci est une autre de nos objections à la structuration ‘Liturgiocentrique’ de J. Zizioulas. Dans son optique, logiquement du moins, la ‘Sainte Trinité’ se reflète directement dans l’‘Eglise’ lors de la Liturgie, ou plutôt la ‘communion trinitaire’ se reflète dans la ‘communion ecclésiale’ (remoto Christo) à travers une ‘pneumatologie’ ou une certaine vi­sion des ‘énergies incréées’ déliées du (et parallèles au) Christ (pneumatocentrisme ou energocentrisme). Il faudrait cependant reconnaître que la vision dite apophatique de la ‘Théologie’ à travers une approche indé­pendante de l’Economie (et donc du Christ), comme par ailleurs la vision d’une ‘pneumatologie’ parallèle à la ‘christologie’ (génération et procession seraient parallèles dans la Trinité à partir du Père) a été cristallisé dans la tradition orthodoxe à partir de Photius. Pourtant, il nous semble bien que les implications de cette double cristallisation, triadologique et pneumatologique, sont importantes et graves en conséquences et même Zizioulas malgré ses efforts ne peut y échapper.
[50] Cf. Etre ecclésial, p. 95 s. Le problème de  la désindividualisation  du Christ concerne le rapport  du Christ à l'Eglise et situe la déification -comprise comme adoption par le Père-  dans la  plénitude  eschatologique (le Saint Esprit) du Christ en Son Corps. Ici, en Christologie, nous ne pouvons pas dissimuler notre désaccord avec Zizioulas. Jésus le Christ n’a pas besoin de l’Eglise pour être désindividualisé ou pour être ‘Christ’ (con­ditionnement ecclésiologique de la Christologie). Il est dès sa conception une hypostase non individuelle mais profondément personnelle : l’hypostase-personnelle filiale du Monogène. En lui-même il n’est pas un indi­vidu, et cela à cause de ses relations ‘Théologiques’ au Père et à l’Esprit. Le conditionnement pneumatique du Christ lui est inhérent au niveau de la ‘Théologie’ elle-même et non pas qu’à l’Economie. S’ajouter par grâce l’humanité (l’Eglise) ce n’est pas quelque chose qui ‘personnalise’ (désindividualise) le Christ, c’est pour lui un ‘surcroit’ (et pour nous ‘pure grâce’). C’est cette vision des choses qui permet de penser un rapport pneu­matique (dans l’Esprit Saint) entre le Christ et l’Eglise non ‘confusionel’ mais dialectique – et ce de manière asymétrique. Entre les deux, entre Epoux et épouse, le rapport est sans séparation certes mais aussi sans con­fusion, le Christ étant toujours et à chaque moment le ‘fondement ontologique’ de l’Eglise (dans l’Esprit Saint et vers le Père). Le Christ, et non pas le Saint Esprit (ecclésiologie pneumatocentrique). En tout cas du point de vue de Zizioulas il faut retenir que la désindividualisation du Christ est l'œuvre de l'Esprit Saint (qui Le constitue comme Christ) au niveau de l’Economie. De ce fait la christolo­gie (pneumatologique) devienne ec­clésiale. Dans la ligne de Zizioulas on pourrait dire que l'ecclésiologie est stricte­ment christo­logique mais d'une christologie qui est constitutivement conditionnée par la pneumatologie (cf. "Le mystère de l'Eglise" dans Irénikon 1987/3 p. 330 s). A notre avis il lui fait défaut une vision réellement trinitaire de la Christologie (et pas que pneumatologique) et partant de la ‘Théologie’ elle-même. Le métropolite pense de manière binaire mais non ternaire comme nous l’avons déjà signalé (supra n. 49). Baillargeon, de son côté, dans une lecture quelque peu loss­kienne de Zizioulas, ayant une fois posé la différence (pour nous l’altérité réciproque) entre le Christ et l'Eglise, il est amené à situer le conditionnement pneumatologique du côté de l'ecclésiologie (christologique et pneumatologique). Cela donne à l'œuvre de Zizioulas une perspective quelque peu "russe" (économie logo-pneumatique)  et l’auteur con­tribue -sans le vouloir- à créer des confusions. Dans sa lecture par ailleurs le prolongement de la Christologie dans le rapport 'Christ-Eglise' est mal posé (également dans une perspective 'russe') et critiqué.
[51] Qu'il nous soit permis de préciser que l'enhypostasie (comme l'hypostase) chez Zizioulas est ontologique­ment eschatologique. Ainsi l'hypostase du Christ pose  la dialectique  en distance (απόστασις)  et supprime la division (διάστασις).  Ou, si l'on veut, le Christ 'convertit' la division (Créé-Incréé) en altérité dans la distance (comme don de distance, à savoir de l’Autre).
[52] Ibid. p. 216; d'où une lecture de l'œuvre du métropolite à l'aide de 'ecclésiologie eucharistique' (Afanassieff notamment). Finalement serait-il pertinent de ramener chaque théologien orthodoxe dans le cadre (et l'op­tique) de la théologie losskienne? Ici le problème rejoigne notre question sur le statut épistémologique des cri­tiques (leur point de départ comme 'grille') adressées à Zizioulas et, à notre connaissance, sans exception.
[53] Baillargeon semble déduire la notion 'synaxe eucharistique' à partir d’une certaine notion de l’eucharistie (laquelle suppose bien sur l’évêque). Chez Zizioulas, nous semble-t-il, la 'synaxe litur­gique' se réfère à l' 'icône-sacrement’(sacrement iconique ou icône sacramentelle). Serait-il ici en accord avec l'ensemble de la théologie et de l’ontologie de Zizioulas ? Puisque selon le métropolite la 'synaxe liturgique', nous semble-t-il doit être pensé à partir de la dialectique eucharistie-évêque et doit être inscrite dans la dialectique iconique et sacramen­telle du 'déjà et pas encore'. Aussi, et si le lecteur nous le permet, nous pro­poserions, qu'on ne parle plus d'ecclésiologie 'eucharistique' à propos de Zizioulas (pour évi­ter des malentendus) mais plutôt d’une vision 'iconique et liturgique'  de l’Eglise comme icône du ‘Royaume à venir’ et de la ‘Sainte Trinité’.  Le sens du 'liturgique' et son rapport à l’icône-sacrement chez Zizioulas, de­vraient être ap­profondis ultérieurement. Du moment surtout où ils ont un sens (articulation) différent par rap­port à celui de N. Afanassief (et de l'école russe en général).
[54] Ce qui pose le problème du rapport entre lecture, histoire, et eucha­ristie. Ceci constitue, nous pensons, la clé du questionnement. Il y a une lecture his­torique de l'histoire et aussi une lecture apocalyptique de l’histoire.
[55] Mais non pas non ‘confessionelle’ (quoi qu’en dise Zizioulas).
[56] Ou bien faudrait-il ranger Zizioulas du côté des 'orthodoxes' (de toute confession) qui, en sincérité et honnê­teté identifient leur statut con­fessionnel avec le statut ecclésial tout court (par projection).
[57] Ceci dépasse le travail du père Baillargeon. Il est pourtant en rapport avec sa lecture et ses questions (rela­tives). Il est en même temps en rapport avec d’autres lectures (et d’autres questions).
[58] Oc. p.301-304
[59]  Cf. oc.  p..304.
[60] De notre point de vue, si  une articulation en ‘Ecclésiologie’ devait y avoir lieu elle serait entre ‘Christolo­gie’, ‘Pneumatologie’ et ‘Paterologie’ (en référence respectivement au Christ, à l’Esprit et au Père), car une ‘Ecclésiologie’ équilibrée se doit d’être trinitaire. Zizioulas, par contre suit en cela une phase du développement de Y. Con­gar lorsque ce dernier insistait sur la synthèse entre Christologie et Pneumatologie.
[61] Synthèse manquée qui dit dissociation ou confusion en économie des opérations personnelles et distinctes des personnes divines en commu­nion. Ce phénomène caractérise la théologie du 19ème siècle (occidentale et orien­tale évidemment: Möheler, Khomiakov) en dépendance du roman­tisme allemand. En notre siècle des échos de ce 'romantisme' théologique se manifestent à mon sens dans l'œuvre de Vl. Lossky.
[62] Autrement dit: la signification de "communion" et de "personne-hy­postase" (de la liberté comme amour, bref de l'Etre comme Vie) nous advient (Oikonomia) “de” la Trinité (Theologia) ; il est impossible ici d’intervertir les termes de la relation (cf. l'ex nihilo dans le cas de la création) ; et que "la même" ne veut sur­tout pas dire "entièrement". C'est ici qu’intervient la démarche apophatique.
[63] Mais alors qu’en serait-il de la connotation de ces notions (et en général de la précompréhension) chez Ziziou­las ? A première vue il nous semblerait que la précompréhension et la connotation de ces notions chez lui est «eucharistique», mystérique, liturgique, et non pas simplement culturelle. Ceci est un point d’importance cruciale à interroger car il détermine le fonctionnement du cercle herméneutique dans la théolo­gie du métropolite.
[64] Il y aurait à ajouter plusieurs titres à la bibliographie de Baillargeon et rectifier la traduction française du titre de l'œuvre de Yannaras : "Honnêtes avec l'Orthodoxie"  au lieu de "Heureux...." (p.293, n. 65).
[65] Cf. J. Zizioulas, "Ortodossia", dans Enciclopedia del novecento, p.7. J'ajouterais que ces polarisations per­sistent comme tentation permanente (combien fréquentes dans toutes les Eglises, de tout temps et lieu) au sein de l'Eglise en Grèce d'aujourd'hui.
[66] Le 'baptême de la philosophie à l'évangile', qui consiste d'abord en une démarche comme 'changement de la direction du regard' sur la réalité. Par conséquent les catégories philosophiques (créées) étant autrement utili­sées, acquièrent un autre 'sens' tout en exprimant la même chose  (à travers un autre regard). Qu'il nous soit permis de remarquer ici que “synthèse néopatristique” et “synthèse néopalamite” sont souvent considérées comme des expressions équivalentes et interchangeables. La première expression  remonte à la méthodologie de G. Florovsky (héllénisme-christianisme); la seconde à celle de Vl. Lossky (apophase). Or, cette équiva­lence nous paraît tout à fait sujette à caution. Tout d'abord, les (ou la) synthèse(s) néopalamite(s) ne sont qu’une relec­ture possible des Pères parmi bien d’autres aujourd'hui (synthèse néopa­tristique énoncée par Flo­rovsky). L'œuvre de Zizioulas dit bien autre chose.  Ensuite, du point de vue strictement historique, le chris­tianisme naissant se trouve face et au judaïsme et à la pensée hellénique.  Il s’agit, si j’ose dire, d’une trialec­tique et non d’une simple dialectique. Précisément à cause de la spécificité de la temporalité et de l’eschato­logie  chrétiennes (le Christ, déjà et pas encore) et sa présence dans le Mystérion  ici présent mais ayant son fonde­ment au futur (sotériologie comme ontologie).
[67] Donc ni existentialiste, ni existentiale, mais historique et eschatologique.
[68] Sa théologie se définit positivement  et dans la communion  des Eglises, à venir en Christ (le Christ comme avenir); comme icône eschato­logique des personnes trinitaires dans leur communion personnelle, hy­posta­tique et extatique.  
[69]  Qu'il nous soit permis ici de reprendre notre "Eglise icône ou Eglise idole ?", dans Contacts  144(1988/4), p. 296-301 où, à cause d’une vision quelque peu eidétique  de l’icône d'un côté et, en même temps, d’une vi­sion apophatique de la communion, nous plaidions en faveur d’une ecclésio­logie négative (versus négatrice). Cette vision se basait sur une théo­logie (dans son ensemble) iconique-apophatique en tant que personnelle. Cela nous semble être une inversion de perspective (qui suppose une coïnci­dence 'panoramique') et, par-là, une ré­duction de la tension réelle entre l'histoire et l'eschatologie avec des implications pour une vision du monde comme/dans/le Christ à venir). Nous plaidions en effet, en faveur d'une approche de la Vérité, apo­phatique et dia­logale comme non oubli du mode d’existence trinitaire, à travers une ecclésiologie apopha­tique. Ainsi, toute or­thodoxie impliquant l'orthopraxie, la vérité restait toujours à faire, comme justice, charité et pardon. Aujourd’hui cela nous semble juste mais 'romantique', car il postule l'absence d'une tension réelle et historique entre la liberté et la grâce ; finalement, une articulation non pertinente entre liberté réelle (les personnes dans l'histoire) et grâce réelle (le saint Esprit) dans la personne incréé (et par grâce 'corporative') du Christ à venir. La justifica­tion théologique (le fondement) de l'œcuménisme et son jugement ne nous appar­tiennent pas. Mais, para­doxalement, nous y contribuons réellement (avec nos pro et contra) à sa réalisation dans l’histoire; l’édifi­cation du Corps du Christ. Sa pleine  stature ne nous appartienne certainement pas.
[70] Cf. G. BAILLARGEON, oc  p. 297.
 
Πρώτη δημοσίευση στο Επιστημονική Επιθεώρηση του Μεταπτυχιακού Προγράμματος «Σπουδές στην Ορθόδοξη Θεολογία», τόμος ΣΤ΄, ΕΑΠ, Πάτρα 2015, σ. 14-123.





 



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